F. Travail en équipe et pédagogie coopérative
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« La pédagogie coopérative est donc conçue comme une approche pédagogique complexe poursuivant la double visée d’apprendre à coopérer et de coopérer pour apprendre. »
Yviane Rouiller & Jim Howden (2010)
Introduction et buts
Le développement de la coopération à l’école répond à la fois à des exigences pédagogiques (p. ex. méthodes interactives d’apprentissage) et éducatives (p. ex. développement de compétences transversales en communication). Celles-ci se renforcent d’ailleurs mutuellement, ce qui peut se résumer par la formule suivante : « Coopérer pour apprendre, apprendre à coopérer ».
Mettre en place une pédagogie de type coopérative en classe, c’est proposer des activités qui stimulent les interactions et favorisent entre autres : l’interdépendance entre pairs, des espaces d’expression, la responsabilisation des élèves, le développement d’habiletés relationnelles telles que le respect, la solidarité ou encore l’entraide.
À l’école, on distingue généralement les différentes modalités de travaux en groupe suivantes :
- Le travail coopératif: chaque élève se voit confier un rôle précis dans un groupe qui doit atteindre ensemble des buts communs. Chacun devient alors indispensable à la co-construction du travail et à sa réussite finale.
- Le travail d’équipe : chacun participe à la réalisation sans qu’une tâche spécifique ne lui soit attribuée. Il suppose des activités de concertation et une participation active. Il est cependant possible que certains membres de l’équipe ne contribuent pas ou peu à la réalisation finale.
- Le mentorat: constitue une autre forme de coopération entre pairs ; se pratique avant tout en duo. Il s’agit ici d’aider une personne dans ses apprentissages (le mentor s’inscrit dans un rôle et dans un processus de facilitation).
- Le jumelage d’activités entre deux classes au sein du même collège, voire à distance : il permet, par exemple, le développement de coachings entre classes d’âges différents ou de diverses cultures.
Déroulement pratique
On tend aujourd’hui à mettre l’accent sur un travail d’équipe dans lequel tout le monde a des responsabilités bien définies et peut être reconnu pour ses contributions. Ce type de travail coopératif va au-delà de la simple communication ou de la collaboration et demande ainsi de répondre à certaines exigences :
- définir les objectifs visés et structurer l’activité, planifier son déroulement ;
- former des groupes restreints de 3 à 5 personnes, suffisamment hétérogènes (sans extrêmes) ;
- expliciter les compétences coopératives nécessaires et attendues ;
- évaluer la dynamique du groupe et réfléchir aux points forts de la coopération et aux points d’amélioration possibles (autoévaluation) ;
- enseigner explicitement les compétences de coopération et fixer des objectifs d’apprentissage en termes également de communication et de coopération;
- adopter, en tant qu’enseignant, un rôle de facilitateur des échanges afin de garantir leur qualité.
Cultiver un climat relationnel qui favorise la coopération – particulièrement en début d’année scolaire – favorise le développement de la confiance mutuelle, de la cohésion de groupe, du sentiment d’appartenance ; les jeux coopératifs aident généralement à construire ce bon climat relationnel.
Facteurs clés de succès
Mettre en place le travail coopératif au niveau de la classe nécessite tout d’abord d’avoir ou de développer des représentations positives relativement au travail en équipe. Une réflexion sur le sens que l’on y donne, le « pour quoi ? », est en cela indispensable. Il importe par ailleurs de développer des compétences dans le travail en équipe et des conditions favorables en termes notamment d’organisation et de confiance mutuelle.
S’engager dans une approche coopérative suppose par ailleurs de la part de l’enseignant une certaine souplesse, de la créativité pédagogique et du temps (p. ex. adaptation des moyens d’enseignement). La planification d’activités peut s’avérer exigeante mais s’allège au fil de la pratique.
Risques et difficultés
Les difficultés tiennent pour une part importante aux résistances rencontrées parmi les professionnels concernant le sens d’un tel travail, les craintes de perdre du pouvoir et les exigences de préparation, structuration et gestion des activités coopératives. L’enjeu consiste alors à sortir d’une culture scolaire traditionnellement individualiste pour concevoir différemment les situations d’apprentissage et appréhender les nombreux bénéfices de la pédagogie coopérative.
Le manque de préparation est un frein à une bonne mise en place. C’est le cas,
par exemple, si les modalités favorables à une bonne collaboration ne sont pas réunies (règles de coopération, prise de parole équitable, acceptation des différences de point de vue, expression polie d’un désaccord, inclusion de tout le monde, etc.). Mettre simplement les élèves en petits groupes de travail ne signifie pas qu’ils vont coopérer.
Un risque doit aussi être mentionné : que la coopération, par exemple au sein d’une classe ou d’un collège, devienne une compétition entre classes, voire entre collèges.
En résumé
Le fait de stimuler et ritualiser les espaces et moments de coopération en classe, qui est à la fois une stratégie d’apprentissage et un objet d’apprentissage, comprend de très nombreux avantages.
Pour les élèves, les bienfaits sont perceptibles autant au niveau des attitudes envers l’école, du rendement scolaire (meilleures notes) que du développement significatif des habiletés sociales et relationnelles. Les élèves s’engagent davantage dans des comportements prosociaux, c’est-à-dire dans des relations d’aide, de soutien, de partage, qui tendent à créer des rapports plus positifs entre pairs. On observe également une conscience plus grande des responsabilités, une réduction de l’intention de nuire à l’autre, et moins de prédispositions aux tendances individualistes.
Favoriser la coopération entre élèves participe finalement à un climat relationnel plus harmonieux et apparaît être un véritable facteur de protection face à l’émergence de conflits et de violences.
Au niveau des professionnels, la coopération contribue entre autres à la qualité de vie dans l’école, à la construction de compétences collectives, à la réalisation de projets d’établissement et au développement de capacités de coaching, au sein de l’école comme avec les partenaires.
Activité : la « classe puzzle » d’Aronson Objectif : acquérir des compétences personnelles et relationnelles à travers une activité coopérative. Préparation : choisir un objectif disciplinaire et découper les contenus d’apprentissage en plusieurs sections (p. ex. objectif = cours de géographie ; contenu = connaître les caractéristiques des 6 continents ; découpage = chaque continent fait l’objet d’une documentation spécifique). Déroulement :
Rôle de l’enseignant : supervision continue, rôle de consultant, facilitateur si des ajustements dans les dynamiques de groupe sont nécessaires (p. ex. temps de parole équilibré entre les membres). (1) (2) (3) |
Références
Aronson E, (2002). The Jigsaw Strategy. San Diego : Academic Press.
Plante, I. (2012). L’apprentissage coopératif : des effets positifs sur les élèves aux difficultés liées à son implantation en classe. Canadian Journal of Education, 35(4), 252–283.
Rouiller, Y. & Howden, J. (2010). La pédagogie coopérative : reflets de pratiques et approfondissements. Québec : Chenelière Education.