2. Que faire ?
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« Le devoir de l’école est de savoir quel individu elle peut, elle veut et elle doit former pour la société d’aujourd’hui et de demain. »
Martine A. Pretceille (2017)
Il n’existe pas de réponse unique à cette question. Il est cependant possible de proposer des pistes d’action concrètes, issues notamment d’expériences partagées par des acteurs de la communauté éducative (enseignants, intervenants psychosociaux, etc.) ou encore issues de résultats de recherches en sciences de l’éducation, basées sur le terrain. Pourtant, il ne s’agit en aucun cas de fournir des recettes « toutes faites », qu’il suffirait d’appliquer. L’un des buts de cette brochure est de mieux faire connaître les pratiques qui ont déjà fait preuve de leur utilité et de leur efficacité. De là, chaque équipe peut construire ses propres pistes de réponses à partir de son expérience, en s’appuyant sur ses ressources spécifiques et en développant ces dernières de manière adaptée à son contexte particulier.
L’école rassemble des individus ayant tous leurs particularités, leur histoire, leurs codes culturels. Elle doit aider ses acteurs à donner sens à la vie collective dans le respect de tous. De cette manière, l’école permettra à chacun d’être plus conscient, responsable et compétent à vivre ensemble.
Trois axes de réflexion et d’action interdépendants peuvent être mis en évidence pour promouvoir le mieux vivre ensemble dans les écoles :
- le cadre de référence (valeurs, règles, sanctions éducatives) ;
- le développement des compétences sociales des jeunes et des adultes ;
- le climat scolaire de l’école.
À partir de ces dimensions, les interventions peuvent être menées à différents niveaux (groupe classe, établissement, formation continue, etc.) et donc auprès de différents acteurs (élèves, enseignants, conseil de direction, membres du parascolaire, infirmières, parents, etc.). De manière générale, la conjugaison des niveaux d’intervention ainsi que l’implication active d’une majorité d’acteurs mènent à des résultats plus concluants.
a) L’importance du cadre de référence
Pour participer à la construction du bien vivre ensemble au sein de l’école, il est indispensable de mettre en place et de consolider le cadre de référence. Il permet de favoriser la cohésion sociale du groupe ainsi que de garantir des droits tels que la sécurité ou la reconnaissance de la place de chacun. Pour être efficace, il doit proposer des points de repère clairs, cohérents et visibles, ce qui se traduit par un travail sur trois plans :
- réfléchir autour des valeurs communes. Il s’agit de leur donner sens dans les actes de tous les jours. Les valeurs le plus souvent prônées sont : le respect, la justice, l’acceptation des différences, la coopération, etc. ;
- définir des règles et des limites non-négociables, soit les comportements attendus (généralement présents dans le règlement). Ces prescriptions sont garantes d’une bonne régulation sociale ;
- disposer de sanctions éducatives, connues et appliquées dans un esprit de justice. Elles visent à responsabiliser l’élève au respect des règles propres à la vie collective. Exemples : avertissement, acte de réparation, fiche réflexive, exclusion temporaire, etc.
Deux points de départ peuvent également être intéressants pour aborder le cadre de référence : 1) les droits de l’Homme ou la Convention relative aux droits de l’enfant ; 2) les lois cantonales, qui régissent le cadre légal de l’instruction obligatoire.
Contextualisé à l’école, un travail sur les droits et les devoirs de chacun donne un fondement solide de sens au « pour quoi » bien vivre ensemble. Cette démarche d’explicitation du cadre sera facilitée si la direction promeut et garantit la mise en réflexion, la connaissance et l’application de ce dernier.
b) Les compétences sociales
L’école regroupe des individus non choisis, tous différents les uns des autres, qui sont amenés à se rencontrer et vivre ensemble dans un même espace environ 30 à 40 heures par semaine. Cela donne lieu à de multiples échanges, plus ou moins volontaires, faciles, amicaux, conflictuels voire violents.
Si l’on parle de compétences sociales, c’est que la qualité des interactions d’un public hétérogène dépend en grande partie des capacités relationnelles de chacun. Or ces compétences (p. ex. de communication, de coaching) ne sont pas innées, elles doivent donc être énoncées clairement, explicitées pour permettre aux adultes de les mobiliser adéquatement, et à tous les élèves de les acquérir équitablement. Comme prescrit dans les lois cantonales relatives à l’éducation, l’école doit former des citoyens aptes à composer avec la diversité et donc s’employer à favoriser le développement de compétences transversales (p. ex. tolérance, empathie, esprit de coopération). Car une fois acquises, les habiletés relationnelles ont de multiples effets positifs ; citons, par exemple, la valorisation d’interactions de qualité, une gestion saine des conflits, une meilleure estime de soi, etc.
Comment développer ces capacités ? Des espaces de participation effectifs pour les jeunes et pour les adultes (conseil de classe, temps de travail en commun, ou plus informels lors d’un cours, etc.) constituent des moments privilégiés pour :
- expliciter et stimuler les compétences sociales;
- faciliter une expression ouverte et des échanges constructifs ;
- s’investir activement dans la vie du groupe.
Ces espaces permettent également de promouvoir un sentiment d’appartenance (à la classe, à l’école) qui est un facteur protecteur déterminant face au rejet des différences et à l’émergence de diverses formes de violences (p. ex. harcèlement). Ouvrir un espace de parole sécurisant où les compétences sociales sont travaillées permet notamment de renforcer le sens de ce que l’on fait à l’école, de promouvoir l’intelligence collective et finalement d’assurer un meilleur climat scolaire pour tous les membres de la communauté éducative.
Par ailleurs, il importe de considérer que toute dynamique relationnelle ne dépend pas uniquement des compétences sociales de chacun, mais s’inscrit dans un contexte systémique, notamment déterminé par :
- des caractéristiques propres à la personne (p. ex. histoire de vie) ;
- la place, le statut que chacun occupe dans la relation, le groupe ou dans le tissu social (directeur, enseignant, parent, élève, etc.) ;
- le cadre dans lequel s’inscrit cette relation (climat sécurisant où l’écoute et le respect sont assurés versus climat de tension, rapports de force).
Il s’agit en l’occurrence de ne pas « psychologiser » un comportement relationnel perçu comme problématique (p. ex. il est incapable d’être comme ci ou comme ça en groupe…) ou « sociologiser » (p. ex. c’est à cause de son éducation familiale que…). Toute difficulté peut être lue à la lumière d’une interaction complexe de facteurs à la fois intra et extrascolaires (psycho-affectifs, relationnels, contextuels, institutionnels, etc.). Par ailleurs, il est important de rappeler le rôle éducatif de socialisation de l’école.
À cet égard, relevons notamment les actions de l’école visant à mettre en place une pédagogie différenciée, à donner les moyens à ceux qui ont besoin d’accéder plus facilement aux connaissances ; elles permettent ainsi de lutter contre toute forme d’inégalités d’apprentissages et de promouvoir l’égalité des chances.
c) Climat scolaire
Le climat scolaire n’a pas de définition univoque et consensuelle car il est le résultat de processus dynamiques complémentaires complexes. Il peut toutefois être compris comme « l’ambiance », « l’atmosphère », « la tonalité », « l’environnement socioéducatif » qui règne au sein de l’école.
Selon Janosz, M. & al. (1998), le climat scolaire présente cinq facettes caractéristiques :
Cinq facettes du climat scolaire, selon Janosz, M. & al. (1998)
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Un bon climat découle notamment des axes décrits précédemment. Il comprend, par exemple la clarté du système d’encadrement, des valeurs partagées, le sentiment de « justice scolaire » ou encore la qualité des relations interpersonnelles (reconnaissance, soutien, participation). concerne tous les membres de la communauté scolaire car il est un puissant vecteur de bien-être collectif. Il a des effets bénéfiques tant au niveau individuel (sentiment de sécurité, plaisir, motivation à venir à l’école, qualité des apprentissages) qu’au niveau relationnel (bonnes relations interpersonnelles, ambiance de travail agréable, réduction des risques d’incivilités et de comportements violents). Un climat scolaire de qualité apparaît aussi être un moyen efficace de prévention des conflits et des violences scolaires et permet plus largement à l’école d’être non pas un lieu de souffrances mais une véritable source d’opportunités.
Références
Debarbieux, E. & al. (2012). Le « climat scolaire » : définition, effets et conditions d’amélioration. Rapport au Comité scientifique de la Direction de l’enseignement scolaire, Ministère de l’éducation nationale. MEN-DGESCO/Observatoire International de la Violence à l’Ecole.
Janosz, M. & al. (1998). L’environnement socioéducatif à l’école secondaire : un modèle théorique pour guider l’évaluation du milieu. In : Revue Canadienne de Psycho-éducation, Vol. 27, No 2, 285-306. http://www.climatscolaire.ch/wp-content/uploads/Janosz-article-1998.pdf
Pretceille, M. A. (2017). L’éducation interculturelle. Paris : Que sais-je ?
Veltcheff, C. (2015). Pour un climat scolaire positif. Paris : Canopé Editions.